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Item 144 - Deuil normal et pathologique
Résumé
Objectifs CNCI | |
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Recommandations | |
Mots-clés | À savoir |
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Généralités
Définitions
- Deuil : réactions avec plusieurs composantes suite à la perte d'un être chère :
- émotionnelles
- cognitives
- fonctionnelles
- comportementales
- socioculturelles
- Par extension : perte irréversible d'un objet ou d'une situation particulièrement investie
- Travail de deuil : processus permettant la réorganisation à la suite de cette perte :
- Reconnaissance de la réalité de la perte
- Renforcement des liens intérieurs avec la personne perdue
- Prise en compte des sentiments inconscients de culpabilité
- Résilience : capacité à se réorganiser après un traumatisme pour s'y adapter sans séquelles sinon sans traces
- Epidémiologie du deuil
- Prévalence du deuil sur toute la vie : 10% en moyenne
- D'ici 2050 le nombre de décès va augmenter de 38% avec prospective de 750.000 décès / an = non exceptionnel
- Se déroule en institution sanitaire pour 70% des cas
Conséquences du deuil
- Biologique
- Période de fragilisation : ↑ des complications médicales non psychiatriques
- Ex : pathologies cardiovasculaires particulièrement à risque de décompensation ou d'apparition dans les semaines suivant le deuil
- Mortalité cardio-vasculaire augmente l'année d'un deuil chez l'homme
- Symptômes divers liés au vécu affectif et anxieux : douleurs, plaintes digestives, fatigue, insomnie...
- Psychologique
- Forte réactivité émotionnelle
- État de choc et de souffrance : tristesse, peur, colère, angoisse, désespoir...
- D'abord constant, puis par vagues (souvenirs du défunt)
- Émotions positives associées (joie, paix, soulagement) qui favorisent le travail de deuil
- Stratégies d'adaptation
- Objectif : contrôle émotionnel
- Ex : redéfinition de la perte dans un sens positif, rationnalisation de la mort, humour, foi, focalisation sur les aspects positifs de la vie...
- !! Stratégies à risque : évitement, isolement, consommation d'alcool
- Intégration progressive du caractère irréversible de la perte
- Manifestations psychiques centrées sur le défunt
- Ex : rêves au sujet du défunt, sentiment de présence, hallucinations...
- Réorganisation à terme
- Vécu émotionnel moins intense
- Parfois : sentiment d'autonomie et d'indépendance plus marqué, nouveaux objectifs existentiels
- Social
- Peut conduire à l'exacerbation ou à l'apaisement de conflits / blessures anciennes
- Entourage (amis, famille) : favorisent le processus du deuil ++
- Parfois évitement par l'entourage de la personne endeuillée
- Importance du milieu socioculturel : soit favorise l'isolement, soit favorise le rapprochement de l'entourage
- Pendant la phase d'intégration du deuil, de nouvelles relations peuvent se construire
- Ex : remariage n'est pas rare dans les 2 ans (hommes ++)
- Plaintes adressées au médecin : insomnie, anorexie, épuisement physique, ralentissement de la pensée, douleur morale, humeur sombre
Diagnostic : deuil normal et pathologique
Deuil normal = les 3 phases de tout travail de deuil (peuvent se chevaucher)
- Phase de choc (« de détresse ») ou sidération affective
- État de choc émotionnel / déni de la réalité +/- agitation ou prostration
- Sidération affective / émoussement +/- maintien automatique des activités
- Prise de conscience progressive du caractère permanent de la perte
- Durée : quelques heures à quelques jours
- Phase de décharge émotionnelle ou dépression liée à l'état de manque de la personne
- Tristesse, colère, désespoir, culpabilité...
- Symptomatologie dépressive : humeur triste / ralentissement / somatisation
- Centré sur le défunt : souvenirs nostalgiques / idéalisation / protestation
- Avec retentissement socio-professionnel et affectif
- Risque d'épisode dépressif caractérisé ++
- Durée : quelques semaines à 1 an
- Phase de résolution (« d’acceptation ») et de réorganisation
- Acceptation progressive de la réalité / désinvestissement affectif
- Retour à une vie quotidienne investie : activités habituelles / nouveaux projets
- Durée : en général à partir du 6ème mois et jusqu’à 1 an
Particularités du deuil
- Chez l'enfant et l'adolescent
- Réaction initiale modérée puis effets complets tardifs
- Indifférence, colère, peur de l'abandon, troubles du comportement parfois plutot que tristesse
- +/- hostilité contre le défunt ou le parent vivant (peur de l'abandon)
- Jeux impliquant la mort ++
- < 2 ans : stress diffus, perte du langage
- 2-5 ans : dysfonction urinaire, troubles du sommeil, de l'appétit, du transit
- > 5 ans : phobie ou hypocondrie, hypermaturité, retentissement social et scolaire
- Adolescents : troubles du comportement, symptômes somatiques, labilité de l'humeur, indifférence
- Risque accru de troubles anxieux et d'EDM +++
- Environnement socio-affectif crucial : communication, capacité des parents à faire face au stress...
- Chez la personne âgée
- Processus peut être long (isolement socioaffectif, comorbidités somatiques et psy)
- Équivalents de deuil : entrée en institution / conjoint diagnostiqué Alzheimer...
- Si soutien socioaffectif et état de santé satisfaisant : Ø risque accru de deuil compliqué !!
- Toujours évaluer le risque suicidaire +++ (plus on avance en âge, plus le risque est élevé)
Deuil pathologique (ou complexe persistant ou compliqué ou prolongé => termes synonymes)
- Définition
- Pas d'évolution vers la phase de réorganisation avec stagnation durée > 1 an chez l'adulte( durée > 6 mois chez l'enfant)
- ou apparition d'un trouble psychiatrique pendant le deuil (< 1 an)
- Référentiel de médecine palliative : processus du travail de deuil qui ne s'engage pas ou ne parvient pas à son terme
- Epidémiologie : en moyenne 17% présentent des complications et 5% des deuil pathologiques
- Facteurs de risque de deuil pathologique (6)
- Terrain : vulnérabilité psychologique (atcd de dépression / TS) / pathologie sous-jacente / trouble de la personnalité (dépendante ++)
- l'âge élevé n'est pas un facteur de risque de deuil pathologique pris isolément l'age jeune l'est++
- Circonstances du décès : mort brutale / suicide / homicide / morts multiples / deuil répété
- Circonstances de l’annonce : brutale / par accident
- Relation avec le défunt : conjoint / enfant / ambivalence ++ (« unfinished business »)
- Entourage : isolement affectif / désinsertion socio-professionnelle
- Absence du patient au moment du décès / corps non retrouvé
- Deuil complexe persistant (DSM-5)
- Symptômes sévères / disproportionnés // culture / avec incapacité fonctionnelle importante
- → nostalgie excessive / ruminations envahissantes / détresse intense / perturbations sociales...
- Épisode dépressif caractérisé +++
- 90% des personnes endeuillées : souffrance intense / 20% : critères d'EDC !!
- Diagnostic différentiel avec dépression réactionnelle normale difficile
- Deuil normal
- Affectif : sentiment de vide et perte
- Emotions négatives diminuent d'intensité avec le temps et surviennes par vagues
- Douleur du deuil accompagné d'émotions positives et humour
- Pensées : souvenir du décédé
- Estime de soi préservéee
- Si idées suicidaires : "rejoindre" le défunt
- EDC
- Affectif : humeur dépressive persistante
- Emotions : triste avec douleur morale majeure et persistante sans lien avec préoccupations spécifiques
- Anhédonie
- Pensées : ruminations auto-critiques, fatalistes, culpabilisatrices, pessimistes
- Estime de soi faible, dévalorisation, dégout de soi
- Idées suicidaires : dévalorisation, indignité
- Arguments en faveur :
- intensité élevée
- idées de mort
- culpabilisation
- dévalorisation
- ralentissement psycho-moteur
- altération sévère du fonctionnement général
- tristesse quasi constante...
- Risque de suicide
- x50 chez les hommes / x10 chez les femmes / 1ère semaine de deuil +++
- (parfois idée « d'aller rejoindre le défunt »)
- Autres complications psychiatriques
- Insomnie
- Anorexie
- Plaintes somatiques (troubles du transit / douleurs...)
- Troubles du comportement (conduites à risque / conduite suicidaire)
- Troubles anxieux : TAG / attaque de panique / ESPT, etc. (cf Douleur et épanchement articulaire. Arthrite d'évolution récente.)