Item 288 - Cancer : cancérogénèse, oncogénétique.

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Résumé

Objectifs CNCI
  • Décrire l'histoire naturelle du cancer.
  • Connaître les implications cliniques des données d'oncogénétique constitutionnelle et somatique.
  • Décrire les principales étiologies professionnelles des cancers et expliquer les principes de dépistage des cancers professionnels.
Recommandations
  • Collège des enseignants de cancérologie - 3ème édition (2021)
Mots-clésA savoir
  • Prostate: sein; CCR; poumon; VADS
  • Alcool-tabac-alimentation / iatrogène
  • Oncogène: dominant / GST: récessif
  • Carcinomes: adénoK / épidérmoïdes
  • Aucun

Cancérogénèse

Histoire naturelle du cancer

  • Cancer
    • Définition: multiplication de cellules qui
      • échappent aux mécanismes régulant l’homéostasie tissulaire (prolifération, survie et différenciation cellulaire)
      • et acquièrent les capacités d’envahir les tissus avoisinants (envahissement loco-régional) et à distance (métastases)
    • Dvpt du cancer se déroule sur une période de temps qui peut être longue (plusieurs années à plusieurs dizaines d'années)
    • Dvlpt et évolution clinique très variables: très agressive ou indolente, selon
      • Organe d'origine
      • Type histologique
      • Caractéristiques phénotypiques
  • Ne pas confondre
    • Pathologie prédisposante
      • Pathologie associée à un risque accru de développer une lésion cancéreuse (endobrachyoesophage, pathologie inflammatoire telle que maladie inflammatoire chronique intestinale, hémochromatose...)
    • Lésion pré-cancéreuse
      • Lésion histologique associée à un risque élevé de survenue de cancer (hyperplasie atypique, dysplasie, polype adénomateux colorectal...)

Etapes de la carcinogénèse

  • Initiation tumorale
    • Lésion initiale de l'ADN, rapide, irréversible et transmissible
    • Lésion induite par un facteur carcinogène
      • Physique: UV, radiations ionisantes
      • Chimique: hydrocarbures aromatiques, métaux lourds, amines aromatiques
      • Viral: HBV, HPV, EBV
  • Promotion
    • Exposition prolongée, répétée ou continue à une substance qui entretient et stabilise la lésion initiée (stimulus mitogènes: cytokines, hormones..)
    • Aboutit à l'expansion clonale des cellules pré-tumorales
  • Progression
    • Acquisition des capacités de prolifération/survie cellulaire, résistance à l'apoptose (mort cellulaire programmée)
    • Acquisition des capacités d'immortalisation, d’invasion locale, de dissémination à distance (métastase ++)

Etapes d'évolution d'un cancer d'origine épithélial

  • Dysplasie
    • Anomalies de la prolifération et de la différenciation cellulaire, secondaire à:
      • Etat inflammatoire chronique (gastrite, RGO)
      • Infection virale (HPV)
      • Exposition à des substances carcinogènes (tabac)
    • Mise en évidence par des anomalies architecturales tissulaires et des anomalies cytologiques (mitoses, anomalies nucléaires..)
    • Définie par sa sévérité
      • Bas grade
      • Haut grade (dysplasie ou néoplasie intra-épithélial sévere) = carcinome in situ
    • Évolutions possibles: régression, stabilité, évolution vers un carcinome invasif
  • Carcinome in situ
    • Anomalies de la prolifération et de la différenciation cellulaire associées à des anomalies d'organisation des cellules entre elles
    • Pas de franchissement de la membrane basale
    • Parfois multifocal (cancérogénèse de champ)
    • Évolutions possibles: régression, stabilité, évolution vers un carcinome invasif
  •   Carcinome invasif 
    • Franchissement de la membrane basale et envahissement du tissu conjonctif sous-jacent
    • Croissance tumorale nécessite une néo-angiogenèse
    • Comporte un composant stromal (vasculaire, mésenchymateux, immunitaire)

Dissémination des cellules tumorales

  • Invasion loco-régionale 
    • Invasion des tissus adjacents par contiguïté
    • Invasion des vaisseaux sanguins et lymphatique
    • Envahissement des gaines nerveuses
  • Dissémination, formation de métastases
    • Par voie lymphatique:
      • D'abord a/n du ganglion sentinelle: 1er relais ganglionnaire drainant la tumeur
      • Puis en aval de la chaine
    • Par voie sanguine: localisation préférentielle des métastases en fonction du drainage veineux porte ou cave
    • Par voie intra-canalaire (voies excrétrices urinaires)
    • Par voie intra-cavitaire (péritoine, plèvre, méninges)

Biologie des cellules cancéreuses et définitions

  • Principales caractéristiques des cellules cancéreuses
    • Auto-suffisance en signaux de prolifération (mutations des proto-oncogènes et gain de fonction)
    • Insensibilité aux signaux inhibant la croissance cellulaire (mutations des gène suppresseurs de tumeurs et perte de fonction)
    • Echappement à l’apoptose
    • Capacité réplicative illimitée = immortalisation
      • Cellule capable de proliférer in vitro indéfiniment, du fait de l’absence de sénescence réplicative
      • Implication des télomères et télomérases
    • Capacité d’induire une néo-angiogenèse (VEGF/VEGFR)
    • Propriétés d’invasion tissulaire locale, de formation de métastases à distance
    • Métabolisme énergétique spécifique
    • Capacité d’échapper à la réponse immunitaire anti-tumorale (PD-1/PDL-1)
  • Transformation cellulaire
    • Cellule immortalisée ayant perdu l’inhibition de contact, capable de proliférer sans ancrage et de former des tumeurs chez la souris immunodéficiente
  • Cellules souches tumorales
    • En faible nombre, capablent de donner naissance à une tumeur
    • Propriétés
      • Auto-renouvellement
      • Quiescence
      • Multipotence (différenciation vers différents linéages cellulaires)
      • Multiplication, diifférenciation
      • Initiation tumorale
    • Serait à l’origine de résistance aux traitements, rechutes tumorales et diffusion métastatiques
  • Transition épithélio-mésenchymateuse (EMT)
    • Etat transitoire des cellules épithéliales cancéreuses
    • Les cellules perdent les caractéristiques épithéliales et acquièrent des caractéristiques phénotypiques de cellules mésenchymateuses
    • Cellules mobiles ++ → propices au développement de métastases

Hétérogénéité tumorale

  • Définition
    • Variations spatio-temporelles du génome tumoral
    • Secondaire aux divisons cellulaires dans la tumeur primitive et dans les différentes localisations tumorales
    • Donnent naissance à des sous-clones génétiquement hétérogènes
  • +/- marquée selon le type de cancer

Oncogénétique

Généralités

  • Proto-oncongènes: gène normal non activé
    • Codent des protéines impliquées dans les signaux de prolifération et de survie cellulaire (facteurs de croissance et leur récepteurs, facteurs de transcription)
    • Souvent homologues de gènes transformants d'origine virale (v-onc)
  • Activation proto-oncogènes → oncogènes
    • Forme activé d'un gène, favorisant le processus oncogénique par un gain de fonction
      • Activation quantitative (surexpression due à une amplification, translocation..)
      • Activation qualitative (mutation faux-sens, micro-délétion..)
    • 1 allèle activé suffit → phénotype dominant
    • Il peut être cédé par un génome viral ayant infecté la cellule
  • Gène suppresseur de tumeur
    • Forme inactivé d'un gène, favorise le processus oncogénique par une perte de fonction
      • Par délétion totale ou partielle
      • Par méthylation du promoteur du gène
      • Par mutation (non-sens, décalage cadre de lecture)
    • Inactivation bi-allélique (hypothèse "two hits" de Knudson) → phénotype récessif
    • Mécanisme de la plupart des sd de prédisposition génétique: un allèle est inactivé au niveau germinal, la 2ème dans les cellules tumorales
    • Ex: TP53, PTEN, RB1, APC

Oncogénétique constitutionnelle

  • Définition
    • Altérations génétiques héréditaires "germinales", pouvant être mises en évidence dans les cellules normales de l'individu
  • Epidémiologie
    • Agrégation familiale de cas de cancers dans 10 à 20 % des cancers formes familiales
    • 5-10% formes familiales sont dues à la présence d'une mutation germinale, qui ↗ ++ le risque de cancer au cours de la vie
      • Plus fréquent si diagnostic de K < 40 ans
  • Par opposition à l'oncogénétique somatique
    • Anomalies génétiques acquises au niveau des cellules somatiques, accumulées au cours des divisions cellulaires
    • Ces mutations ont 3 intérêts
      • Diagnostique: pour préciser un type histologique (sarcomes, lymphomes, gliomes)
      • Pronostique
      • Théranostique: prédire la réponse à un TTT

Syndrome de prédisposition génétique aux cancers seins/ovaire

  • Epidémiologie
    • 5 à 10 % des cancers du sein surviennent dans le contexte d’un syndrome de prédisposition génétique
    • Transmission AD
      • 1 inactivation constitutionnelle + 1 mutation a/n tumoral
    • Mutations présentes à une fréquence de 1/500 individus en moyenne dans la population
  • Mutations des gènes codant des protéines impliquées dans la réparation des cassures double brin de l'ADN par recombinaison homologue
    • BRCA1 (chromosome 17)
    • BRCA2 (chromosome 13)
  • Augmentation du risque de développer (< 70 % de risque cumulé sur la vie);
    • Cancer du sein (à un âge précoce et/ou multifocal) 
    • 2ème cancer sur le sein controlatéral
    • Cancer de l’ovaire (++ après 40 ans)
    • Pour BRCA2:
      • Cancer du sein et de la prostate chez ♂ 
      • Cancer du pancréas et mélanome
  • Eléments permettant de suspecter un syndrome de prédisposition K du sein et de l'ovaire
    • Plusieurs cas K sein au sein d'une même famille, de la même branche (paternelle ou maternelle)
    • Précocité de survenue K sein (40 ans ou moins)
    • Diagnostic second K sur le controlatéral et/ou multifocal
    • Précence d'un K ovaire
    • K sein chez ♂
  • Score d'Eisinger
    • Score familial d'analyse de l'arbre généalogique dans une seule branche parentale, basé sur
      • L'âge de diagnostic
      • Présence K sein chez ♂
      • Présence K ovaire
    • Permet de graduer le risque de prédisposition génétique et guide l'indication d'une cs d'oncogénétique
  • Diagnostic de syndrome BRCA → surveillance clinique et radiologique spécifique 
    • Examen clinique bisannuel des seins dès l’âge de 20 ans par un médecin référent 
    • Imagerie mammaire annuelle dès l’âge de 30 ans
      • IRM (jusqu’à l’âge de 65 ans)
      • Mammographie numérisée plein champ, incidence unique oblique externe
      • ± échographie
    • Surveillance gynécologique annuelle dès l’âge de 35 ans
    • Annexectomie bilatérale, à titre préventif
      • Dès 40-41 ans pour BRCA1
      • Dès 45-47 ans pour BRCA2
  • Implication thérapeutique de la connaissance du statut génétique BRCA
    • Mutation BRCA = prescription de traitement anti-PARP dans K sein, ovaire, prostate, pancréas
    • → consultation d’oncogénétique chez toutes les patientes présentant un cancer de l’ovaire avant 70 ans

Syndrome de prédisposition aux cancers colorectaux (5% des CCR)

  • Syndrome de Lynch
    • Mutation germinale d’un des gènes impliqués dans la reconnaissance et la réparation des mésappariements de l’ADN (Mismatch Repair ou MMR): MLH1, MSH2, MSH6, PMS2
    • Transmission AD
    • Inactivation bi-allélique du gène MMR →  instabilité des séquences microsatellites (phénotype MSI ou dMMR), mis en évidence:
      • Par test de biologie moléculaire: accumulation d'erreurs de réplication sur séquences microsattelites
      • Par immunohistochimie: perte d'expression de la protéine issu du gène muté
    • ↗ ++ risque de développer
      • K colorectal (risque cumulé 25 à 50%)
      • K endomètre (risque cumulé 30 et40 %)
      • K des voies excrétrices urinaires
      • K intestin grêle (spectre étroit, risque élevé pour ces 4 derniers)
      • Rarement: K estomac, voies biliaires, ovaires (spectre large, risque modéré)
    • Phénotype tumoral MSI ou dMMR NON spécifique du syndrome de Lynch
      • L'inactivation MMR dans les K peut provenir d’une inactivation somatique (par hyperméthylation du promoteur du gène MLH1)
    • Phénotype MSI → forte sensibilité tumorale à l'immunothérapie anti-tumorale (anti-PD1)
    • Eléments permettant de suspecter un syndrome de Lynch
      • K colorectal < 60 ans
      • Cancers multiples (synchrones ou métachrones) du spectre du sd de Lynch chez un même patient
      • Cancer colorectal + antécédents familiaux de cancer(s) du spectre du sd de Lynch
        • Un apparenté au 1er degré <50 ans
        • Ou 2 apparentés, au 1er ou 2nd degré, quels que soient les âges
    •  Surveillance
      • Coloscopie avec coloration (chromoscopie) à l’indigo-carmin
        • Tous les 2 ans dès l’âge de 20-25 ans
        • ⚠ Pas de colectomie prophylactique systématique 
      • Gastroscopie
        • Si antcd familiale de K gastrique tous les 2 ans
        • En l'abs d'antcd tous les 4-5 ans
      • Echographie endo-vaginale anuelle, dès l’âge de 30-35 ans, avec prélèvement endométrial préconisé
  • Polypose adénomateuse familiale (PAF)
    • Mutation germinale du gène APC, plus rare que Lynch
    • Transmission AD
    • Développement multiples polypes adénomateux colorectaux (> 100 dans la forme classique)
      • Dès un âge jeune (souvent enfance, adolescence)
      • Risque de développer un K avant 40 ans ++
    • Risque moins fréquent d'adénomes duodénaux à risque de dégénérescence
    • Surveillance
      • Coloscopie annuelle à partir de la puberté
      • Duodénoscopie avec biopsie de la papille tous les ans à tous les 2 ans
      • Colectomie (voire colo-proctectomie) prophylactique dès l’âge de 18-20 ans

Consultation d'oncogénétique

  • Indications
    • Suspicion de forme familiale
    • Suspicion de syndrome génétique de prédisposition
  • Modalités
    • Encadrée par les lois de Bioéthique ++
    • Après recueil du consentement signé
    • Sous réserve que le patient accepte au préalable d'informer sa parentèle en cas de mutation identifiée
  • Précisions
    • Test généralement réalisé sur l’ADN isolé des cellules normales, sur leucocytes circulants (ADN germinal)
    • Prélèvement de contrôle obligatoire par un frottis jugal ou un prélèvement salivaire (tube spécifique)
    • Si dentification de la mutation germinale chez le cas index
      • Permet de proposer aux apparentés asymptomatiques un « test prédictif » afin de déterminer s’ils sont porteurs de cette caractéristique génétique
      • Puis suivi individuel adapté aux risques
    • Si forme familiale avérée et en absence de « mutation » identifiée chez le cas index
      • Aucun test prédictif n’est disponible
      • Surveillance clinique / radiologique appropriée, proposée à l’ensemble des individus selon recos HAS

Génétique moléculaire des cancers

  • Deux types de mutations
    • Conductrices "driver" (= pilotes, motrices)
      • En faible nombre (5-10)
      • Joue un rôle dans le dvlpt du K
      • Touchent proto-oncogènes et gènes suppreseurs de tumeurs
    • Passagères "passenger" (= accompagnatrices)
      • Les plus fréquentes ++
      • Reflet de l'exposition aux substances carcinogènes/instabilité génétique
      • Pas de rôle dans le dvpt du K
  • Principales anomalies génétiques 
    • Amplification génique
      • Augmentation du nombre de copies d’un gène, pouvant conduire à sa surexpression
      • Détection
        • Biologie moléculaire (hybridation sur puce, PCR quantitative, séquençage nouvelle génération - NGS...)
        • Cytogénétique moléculaire (hybridation in situ avec des sondes fluorescentes ou chromogéniques, sur noyau interphasique ou métaphasique ; - FISH, SISH, CISH..)
        • Immunohistochimie
    • Délétion génique 
      • Perte de 1 ou des 2 copies d’un gène
      • Détection
        • Biologie moléculaire (hybridation sur puce, PCR quantitative, séquençage nouvelle génération - NGS...)
        • Cytogénétique moléculaire (hybridation in situ avec des sondes fluorescentes ou chromogéniques, sur noyau interphasique ou métaphasique)
        • Immunohistochimie
    • Translocation / réarrangement chromosomique 
      • Fusion de deux segments de chromosomes normalement non contigus, originaire du même chromosome ou de deux chromosomes différents
      • Aboutit à la surexpression de certaines protéines (translocation impliquant les gènes des Ig ou des TCR, par ex)
      • Et/ou à la production de protéines de fusion chimériques (protéine oncogénique BCR-ABL dans le cas de la translocation t(9;22) caractéristique des LMC par ex)
      • Détection
        • Biologie moléculaire (RT-PCR quantitative...)
        • Cytogénétique moléculaire (HIS avec des sondes fluorescentes)
        • Immunohistochimie
    • Mutations 
      • Modification de la séquence nucléotidique, concernant un seul nucléotide ou un nombre limité de nucléotides
      • Mutation synonyme: pas de modification protéique
      • Mutation faux sens: changement de la séquence protéique
      • Mutation non sens: production d’une protéine tronquée → gain de fonction (mutation activatrice) ou  perte de fonction (mutation inactivatrice)
      • Détection
        • Biologie moléculaire (séquençage, différentes techniques de PCR...)
        • Immunohistochimie
    • Méthylation
      • Anomalies de la méthylation de l'ADN → anomalies de régulation transcriptionelle (par ex, méthylation régions promotrices de gènes suppresseurs de tumeurs)

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